« Moi aussi, j'ai beaucoup aimé être avec toi... »

Evan passa son index capricieux sur ses lèvres, pétales de rose au souvenir de cette parole, douce note qui berce son âme d'une teinte euphorique. D'un moment mémorable au coin de l'âtre, des flammes dansantes des chandelles faisant miroiter le bleu des yeux de son compagnon de soirée. Beau visage d'un chérubin tombé sur terre, d'une crinière d'ébène au toucher de soie, une vision désirable à égarer ses capricieux en cette mer noire. Pourtant, peut être s'en voudra t'il de ne pas avoir osé caresser les cheveux de son ami. Mais par respect et crainte de venir tomber en un monde inconnu, le miroitement d'une envie proche d'une fleur embrasée, le jeune homme se refusa à l'égarement. Une pointe de peine à demie cachée voila les océans si purs de son ami comme en regret de son contrôle. Ses lippes purpurines déposèrent un chaste baiser sur sa joue, avant de prononcer cette parole et partir, le laissant au seuil de la porte, son doigt passant de manière abstraite sur sa pommette, un vide profond en son abdomen.. Dormir, se reposer, rejoindre le Royaume de Morphée, seul comme une âme tourmentée. Ainsi c'était fini la veille, loin des contes des milles et une nuits.

Assit dans sa voiture, son regard grisé contempla la voûte astrale décorée de son manteau d'azur, de ce rayon de soleil éclairant son village natal. Un temps magnifique si un petit quelque chose ne rendait pas son humeur lourde, surtout après l'écoute des chansons d'amour. Un pincement au coeur le prit, une évidence venant de ses entrailles, d'une sensation d'abandon à repenser à son ami.. De cet être que le destin séparait de sa route … Oui.. Ronald partait pour un autre pays et ce.. Pour la vie. Traîtresse horloge enlevant à son essence cette parcelle d'humanité, maudite culpabilité ! Dans un grincement de pneu, d'odeur âcre de chaud, l'adonis se détourna de son chemin pour empêcher la fuite de son souffle. Direction l'aéroport !

Heures qui s'écoulent, contre lui et la question résonne arrivera t-il à l'empêcher de partir loin de lui ? Couper court à leur relation sans même que celle-ci ai pu naître ? D'un revers de la main, Evan chasse ses inquiétudes, il refuse de se perdre dans une affliction futile et vide de sens. Car ce n'est pas en se larmoyant sur son sort que l'avenir changera. Bientôt se présente à ses yeux irisés l'aéroport. Vite.. Sans prendre le temps de réfléchir, le blond gare son audi sportive au parking, ferme sa porte et court. Sa respiration semble à une rivière asséchée, son coeur tambourine fort en sa poitrine comme désireux de s'échapper de sa prison de chair et d'os.

Moment d'arrêt à la vision de souveraines écarlates. Il ne peut décemment par le retrouver ses capricieuses vides ! En vitesse sa dextre attrape son portefeuille, achète cette rose rouge preuve d'amour. Puis, sans un mot, sa course reprend... Passage devant les contrôleurs, discussion rapide, enfin le droit de poursuivre. Échappée, à l'extérieur Ronald se prépare à pénétrer le carquois d'acier, à fouler de ses pas l'avion. Sa bouche s'ouvre, sa parole retentit en écho de ses sentiments.

« Attttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttennnnnnnnnnnnnnnnnnnd... »

Son ami se tourne, ses prunelles s'ouvrent de surprise à le voir là, à moitié plié en deux, essoufflé d'avoir couru si vite, ses pommettes rouges. Silence où doucement le brun n'émet aucun mot mais la vision de son cadet venu le voir l'apaise... Prenant son courage à deux mains, Evan vient à sa rencontre et hésitant, il vient à tendre la rose. Un espoir de le voir rester, de lui faire comprendre son erreur de la veille et son aveuglement. Surprise.. Abandon, des bras enserrent sa taille, des lippes volent les siennes pour un baiser enflammé. Une chaleur nouvelle se répand dans ses veines, ses forces le quittent à tant de passion, son esprit ne fait plus la différence entre réalité et divagation. Écart, bouche bée, ses iris miroitent encore l'effet de l'échange passionné, le rire cristallin de son autre le fait fondre comme neige au soleil.

Deux heures... Deux heures s'étaient écoulées depuis ce moment délicieux, sucré comme un bonbon où leurs lèvres s'étaient scellées en une même unité. L'esprit d'Evan vogua encore sur cette passion si bouleversante et.. Quel mot peut correspondre à ce sentiment, cette sensation qui a traversé ses entrailles ? De l'extase ? Une osmose ? L'apothéose des sens ? Soupir. Il ne savait comment vraiment désigner son ressenti. Et cela le mettait dans un étrange état. Les prunelles de Ronald voguaient sur son corps, le dévoraient sans que le jeune blond ne le remarque. Son index se posa sur son inférieure, des rougeurs colorèrent ses pommettes à ce souvenir. Vision attachante de cet enfant perdu décrochant un sourire au brun.

Des capricieuses glissèrent sur sa joue, des lippes posèrent des bises embrasées sur le satin de la joue. Surprise, son regard bleuté épouse les mers électrisantes de son ami afin de se confondre en une tornade homogène, un tout parfait. Bouche entrouverte, la taquine s'invita à rejoindre sa consœur, la sénestre glissa doucement sur le buste, sous l'étoffe de trop. Arabesques créatrices de frissons, désirs. Son ami donnait un tableau si touchant que les bras du voleur de coeur le porta comme une jeune épouse jusqu'à lit.. Et avec délicatesse le posa entre le linceul de droit couleur de la neige. Doucement, le ténébreux entreprend de retirer la chemise de son obsession. Ses lippes purpurines effleurèrent le lobe pour murmurer son ode d'une voix suave, chaude ...

« Evan... Aussi loin que je me souvienne, je t'ai toujours désiré.. A un point que je sombrais dans la folie à ne pas pouvoir observer tes mers désireuses que de moi ... »

Brûlure en ses entrailles à cet aveux, comme si un poignard d'acier retirait partie par partie la peau de son corps. Aveuglement... Bon inconscient à ne s'être jamais rendu compte de ce secret alors qu'ils se connaissaient depuis.. Si longtemps.. Une amitié si belle que de ses mains l'adonis la protégeait comme la flamme d'une bougie... Craintif que le vent ne l'éteigne et la séparation survienne. Étouffement... Sursaut. Envol de son soupir à l'exploratrice sur sa vallée esseulée... Ce pilier d'amour en manque. Cambrure de son corps.

Son index trouva refuge près de sa bouche, principe à ne pas chanter ce plaisir étranger au mouvement destiné à sa fierté. Billes d'aciers posées sur son visage, mèches de cheveux sur son torse, Evan se hissait dans l'abîme de l'abandon.. Son derme de pêche appelait ce maître, son cavalier à poursuivre la visite. Situation humiliante à voir son enveloppe charnelle prisonnière des délices, de son chant ... Augmentation de son rythme cardiaque au happement de sa pomme, de ce fruit de la tentation. Morsure de sa lèvre, paupières qui se closent seules. Le monde, les perceptions du temps se dissipent à ce déclenchement d'une extase, d'une osmose irréelle et pourtant si vrai. Ses Reines Mères s'ouvrent.. Son soupir prend vie hors de sa prison de chair.

«  Ronald ! Ah..... »

Ses mains se ferment, ses muscles se crispent. Cessation. L'Arrêt se fait brutal et une expression indéchiffrable se dessine sur les traits de son amant. De la peine ou un semblant harassement. Le blond l'ignore, sans une parole, Ronald le laisse là, étendu à moitié nu sur sa couche. Aucune explication. Des larmes perlent sur ses joues, l'incompréhension le gagne et les tourments de n'avoir pu atteindre le paradis perdu. Douleur.. Sa dextre achève le travail, ses pensées volent vers cet être si cher qui l'a abandonné.. Délivrance mais étrange goût amer de solitude. Souffle court, ses doigts remettent en place ses vêtements avant de fermer la porte à clé. Appuyé contre son embrasure, ses miroirs vides observe un point.. Sa voix murmure tout bas.

«  Pourquoi ? Qu'ai.. Je fais ? »

Douleur... Son coeur le brûle de manière si vivace à repenser aux derniers instants, son souffle peine à sortir de ses pétales de rose. Les larmes de cristal épousent de nouveau le grain de ses joues pour s'étaler sur le sol en une mare d'amertume, son enveloppe charnelle devient lourde comme proche de s'entredéchirer entre les mâchoires d'un fauve. Tambourinement dans sa poitrine, l'organe de vie emprisonné au plus profond de ses barreaux d'os et de chair désire tant s'envoler, rejoindre son autre. Mais hélas, si loin, l'ayant laissé dans la plus haute incompréhension. Une question qui ne cesse de revenir. Pourquoi ?? Pouuuuuuuuurquoi ? Seule le vide, le silence de l'abandon lui répond, vague sensation de s'éteindre. Evan chuta à terre sous toute la tension accumulée, beaucoup trop de pression. Tremblant telle une feuille avide de s'échapper du contrôle de son protecteur végétal, le blond frappe le marbre de ses poings. Bientôt des fleurs de sang se dessinèrent sur l'éclat opalin du sol. Si pourpre, si belles et haïssables telle le regard de celui désiré...

Colère et tristesse. L'abandonné se relève et se dirige d'un pas à moitié rassuré vers sa salle de bain. Si dur à rejoindre cette pièce, mais, il le faut... Vraiment... Longue marche jusqu'à enfin pouvoir y parvenir. Ses doigts se posent sur la clenche, ouvre la porte... Ses prunelles s'attardent sur son miroir où son reflet l'effraie, renvoi l'image de sa frustration, de son visage pâle aux billes de verre rougies de ses pleurs. Une idée malsaine, mortuaire égrène son poison aux confins de son esprit morcelé. Evan s'approche de sa baignoire, frôle de sa pulpe la surface froide. Sourire fou, chaussé encore de ses chaussons, ses mains activent l'eau froide. Frisson, la morsure glaciale de l'eau l'enveloppe de ses baisers givrés, humidifie ses vêtements, engourdi ses sens, altère sa réalité d'un semi passage dans l'éthéré... Bien être d'oublier toute cette scène... Extase.. Oublie que l'hypothermie pourrait l'abattre du souffle de la faucheuse pour une dernière danse, un dernier au revoir. Qui se soucierait qu'un idiot comme lui a rendu l'âme seul ? Éternellement seul ? Personne ...

Pourtant, pourtant le fatum en décide autrement. Aujourd'hui ne verra pas son trépas. Car à l'extérieur, un dos de la main frappe le battant de bois. Patience. Attente. Les minutes versent leurs grains dorés dans le sablier d'argent sans que l'hôte ne vienne ouvrir la porte, l'aiguille de la trotteuse parcourt d'un demi temps le cadran. Impatience. Cela ne ressemble pas à son ami, de rater une répétition sans prévenir. Bruit de douche. Inquiétude. Tant pis s'il doit faire de la casse... Son pied heurt l'enclave, la porte s'ouvre brusquement en un bruit de bois cassé. Sensation de danger à l'écoute des flots... Andreas se mord les lèvres suite à un brusque pressentiment... Et si.. le chanteur cherchait à attenter à sa vie ? Hors de question !!

Empressement. La rage englobe son esprit à la vision qui lui fait face, le corps tremblant d'Evan, l'épiderme de satin blanchit, les lèvres si délicieuses maintenant bleutées. Vive pensée acide résonnant comme un : Enfoiré ! Perte de contrôle. La dextre frappe violemment la joue, passage de son intense colère.

Rapidement la bassiste arrête les robinets, regard courroucé sur le baigneur à demi conscient. De ses bras, il porte son précieux hors de l'étreinte givrée, l'enveloppe d'un morceau de sa chemise, de ses étoffes. Si déchirante aperçu de la chevelure de blé trempé, les mires cachés des paupières, le souffle presque éteint. Sans même réfléchir, ses pas le mènent à la chambre, effeuillement de la plante... Douloureuse chaleur à l'enveloppe étiolée, si somptueux souhait, doucereuse promesse de débauche. Reprise...La pulpe de ses doigts caressent les muscles fins du poitrail avant de s'arrêter.. Non, il ne profitera pas de la situation. Mince soupir, décision de se dévêtir dans l'unique but d'offrir sa chaleur. Délicate attention.. Sacrifice. Souhait que le bel au bois dormant se dissipe du monde des songes...

«  Vole ma chaleur.. Jusqu'à revenir à toi.. Evan.. Ne laisse pas un salop te mener à la mort...»

Comme s'il s'agissait du plus précieux des trésors, ses bras s'enroulèrent autour de la taille, sa tête trouva refuge au creux de la nuque. Protection. Peu à peu le royaume des rêves acheva de le mener à Morphée...